Prisons de plastique
En une quarantaine d’années, Almeria, région désertique, pauvre et recluse est devenue l’un des piliers de l’économie espagnole. Les 35’000 hectares de cultures sous plastique, le pompage des nappes phréatiques, un fort ensoleillement et l’usage acharné d’engrais et de pesticides permettent aux agriculteurs andalous de produire plus de trois millions de tonnes de fruits et légumes.
Les plus de 100’000 migrant-e-s de la province sont arrivé-e-s avec le mythe de l’eldorado occidental en tête. Près de la moitié d’entre eux n’ont pas de permis de travail ou de résidence, une proportion identique n’a pas d’emploi ou seulement quelques mois par année. Les personnes rémunérées sont en majeure partie employées à la journée dans le secteur de l’agriculture.
La province d’Almeria est une région conservatrice. Le refus d’accès à certains bars, la majoration des loyers et le passage à tabac occasionnel mettent en lumière un racisme encore très ancré. Les migrant·e·s vivent dans des conditions insalubres, dans des lieux éloignés des transports publics. Ils et elles sont ainsi doublement isolé·e·s : au sein de la société espagnole et à des centaines de kilomètres de leur famille.
Photographe suisse indépendant, Christophe Chammartin partage son temps entre ses mandats institutionnels, son travail pour la presse et son travail personnel. Dès 2001, ses travaux s’orientent sur des questions liées aux migrations et à l’agriculture. Avec son travail Prisons de plastique, il est lauréat de la 34ebourse du Talent Reportage et du Grand prix international sur les droits humains. Depuis quelques années, son travail s’exprime en parallèle de manière poétique, à travers son expérience intime avec la nature et la forêt. chammartin.net
La Petite Serre du TO nous semble être l’espace idéal pour accueillir ces images ; une installation qui nous plonge dans la réalité du plus grand potager d’Europe, loin des idylliques jardins de nos contrées.
L’être humain est capable d’extraordinaires exploits : il a traversé les océans pour ramener épices, tissus, et autres plantes rares. La très grande diversité des matières premières étant encore indispensable à la survie de nos économies hyperproductives, cette époque n’est pas encore révolue. Ce système, où le rendement règne en maître, a été jusqu’à apporter un bout d’Afrique en Europe, avec ses habitant·e·s. Pour assouvir nos besoins alimentaires déconnectés des réalités de la terre, nous avons transformé un morceau d’Espagne en îlot de misère.
L’équipe du TO